Lieu de réflexion et d'études en hébreu, français et anglais, au sein de l'institut Wolfowicz.
lundi 12 décembre 2011
LA JUSTIFICATION DE LA LOI
LA JUSTIFICATION DE LA LOI par DAVID WEISS HALIVNI
Il est exceptionnel qu'un érudit de renommée mondiale écrive un texte accessible au grand public sur le Talmud et offre une perspective inédite sur plus de deux mille ans d'exégèse juive et de pensée rabbinique. Ouvrage capital sur la génèse du Talmud, LA JUSTIFICATION DE LA LOI interroge l'argumentation à la racine de la pensée juive.
LA JUSTIFICATION DE LA LOI est le premier ouvrage traduit en français de David Weiss Halivni sur l'oeuvre de toute sa vie. Il présente la synthèse de ses recherches sur le Talmud depuis plus de quarante ans. Il y énonce la thèse princeps de toute son oeuvre: le Talmud, la plus grande oeuvre collective du peuple juif en exil, est pour l'essentiel la reconstruction de sages juifs anonymes ("Stammaïm") qui oeuvrèrent après la période des Amoraïm (après le sixième siècle). Pour comprendre la portée de cette thèse, il faut distinguer dans le texte talmudique, d'une part la loi conclusive, l'arrêté de la loi, et d'autre part, la justification de la loi. Seuls les arrêtés se transmettaient fidèlement et officiellement de génération en génération. Le souci de préserver le fil dialectique de l'argumentation n'émergea que plus tard lorsqu'une nouvelle génération de sages inventa une nouvelle-ancienne forme d'étude. Les Stammaïm reconstruisirent la trame des arguments des sages qui les avaient précédés et inventèrent la sougya du Talmud (l'unité discursive du Talmud dans laquelle une loi est discutée sous la forme apparente d'un dialogue) tel que nous le connaissons. La justification de la loi devint alors la forme d'étude la plus prégnante du monde juif. David Weiss Halivni retrace avec érudition cette histoire étonnante, depuis ses racines dans la Bible jusqu'à aujourd'hui.
A PROPOS DE L'AUTEUR
Erudit du Talmud, rabbin depuis l'âge de quatorze ans et survivant d'Auschwitz, David Weiss Halivni a été professeur de civilisation juive à l'Université Columbia de New York jusqu'en 2005. Il est récipiendaire de plusieurs prix prestigieux dont le prix Bialiq en 1985 et le prix Israël en 2008. Il est l'auteur d'un commentaire monumental sur le Talmud de Babylone. Il vit aujourd'hui à Jérusalem.
227 pages, avec une introduction du traducteur (Florian D. Wolfowicz) et une postface de l'auteur.
ISBN 978-965-91728-0-1
Prix: 23 euros.
Comment obtenir l'ouvrage:
1) Librairies en Israël et en France
2) commander en prenant contact avec l'institut Wolfowicz
mardi 18 octobre 2011
Cours de David Halivni sur TB Avodah Zarah 72a
Note: le texte qui suit n'a aucun caractère officiel et est fondé sur les notes de Florian Wolfowicz et le résumé de Yitshaq Reiner que nous remercions. Il ne représente que notre propre tentative de comprendre la sougya à partir du cours de David Halivni.
TB, Avodah Zarah 72a:
ההוא גברא דאמר ליה לחבריה אי מזביננא לה להא ארעא לך מזביננא לה אזל זבנה לאיניש אחרינא
אמר רב יוסף קנה קמא.
אמר ליה אביי: והא לא פסק. ומנא תימרא דכל היכא דלא פסק לא קנה, דתנן: המוכר יינו לעובד כוכבים פסק עד שלא מדד דמיו מותרין מדד עד שלא פסק דמיו אסורין.
מאי הוי עלה [מאי הוי עלה] כדקאמרינן דלמא חומרא דיין נסך שאני.
תא שמע: דאמר רב אידי בר אבין עובדא הוה בי רב חסדא ורב חסדא בי רב הונא ופשטיה מהא דתנן משך חמריו ופועליו והכניסן לתוך ביתו בין פסק עד שלא מדד ובין מדד עד שלא פסק לא קנה ושניהן יכולין לחזור בהן פרקן והכניסן לתוך ביתו פסק עד שלא מדד אין שניהן יכולין לחזור בהן מדד עד שלא פסק שניהן יכולין לחזור בהן.
Un home a dit à son prochain: si je vends ce terrain, je te le vends à toi. Il s'en est allé et l'a vendu à un autre.
Rav Yossef a dit: le premier l'a acquis.
Abaye lui a dit: il n'avait pas arrêté le prix !
Et d'où peux-tu dire que dans le cas où il n'a pas arrêté le prix, il n'est pas acquéreur? De ce qu'on a enseigné (dans la Michnah): si un Juif vend son vin à un païen, s'il a arrêté le prix avant de mesurer, l'achat (en argent) est permis; s'il a mesuré avant d'arrêter le prix, l'achat (en argent) est interdit.
Quelle est la loi à ce sujet ? [Quelle est la loi à ce sujet ? Comment peux-tu demander? ] C'est ce que nous avons dit plus haut. Mais peut-être le cas (plus sévère) du yayin nessekh est différent.
Viens écoute: Rav Idi bar Avin a dit qu'un cas s'est présenté chez Rav Hesda et Rav Hesda l'a envoyé chez Rav Houna qui l'a exposé ainsi, car il a été enseigné: si un homme tire les ânes et les ouvriers d'un autre et les emmène dans sa maison, qu'il ait arrêté le prix avant de mesurer ou qu'il ait mesuré avant d'arrêter le prix, les deux peuvent se rétracter; s'il a déchargé (la marchandise) et l'a emportée dans sa maison, s'il a arrêté le prix avant de mesurer, aucun des deux ne peut se rétracter, s'il a mesuré avant d'arrêter le prix, les deux peuvent se rétracter.
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La sougya débute par l'histoire et un dialogue entre Rav Yossef et Abaye. Le dialogue est historiquement plausible, Rav Yossef étant le maître d'Abaye. Seule la position d'Abaye est justifiée par la Guemara: la Michnah Avodah Zarah 5:7 est citée à l'appui.
Pourtant notre Guemara poursuit en demandant:
מאי הוי עלה
Quelle est la loi à ce sujet ?
Ce qui semble étonnant, vu que la Michnah a déjà été citée. Effectivement, la question est répétée entre crochets dans notre Guemara, cette fois par emphase et étonnement, comme l'indique Rachi.
Puis la Guemara insiste et affirme que peut-être le cas du yayin nessekh est différent, vu sa spécificité. Nous avons alors un enseignement de Rav Idi bar Avin basé sur un cas concret qui n'a rien à voir avec le yayin nessekh et qui justifie l'opinion d'Abaye.
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David Halivni remarque tout d'abord que la justification de l'opinion de Abaye n'est pas énoncée par Abaye lui-même mais est déduite (ou reconstruite): elle est introduite par
ומנא תימרא
que David Halivni explique comme מנא אמינא לה. La justification par la Michnah de la position d'Abaye est donc une reconstruction ou une hypothèse. Cette justification est logiquement plausible dans la mesure où nous voyons que seulement si la fixation du prix précède la mesure (ou le toucher) du vin, la vente (et le fait de recevoir l'argent de la vente) est permise. Mais elle n'est pas d'Abaye et elle fait intervenir le yayin nessekh dans un cas qui a priori n'a rien à voir avec le yayin nessekh.
Il est par conséquent probable, dit David Halivni, que la question
מאי הוי עלה
(qui dans notre Guemara suit la justification) ait été posée avant la justification par la Michnah. Cette question a été posée après la décision légale de Rav Yossef et la réaction de Abayé qui a réagi en soulevant la difficulté (il n'avait pas arrêté le prix). La réponse est alors celle de Rav Idi bar Avin
דאמר רב אידי בר אבין...
qui ne fait aucunement référence aux relations avec les païens et au yayin nessekh, mais est directement liée au cas particulier qui oppose Rav Yossef et Abaye.
Par la suite, celui qui n'a pas vu que la justification par la Michnah est une addition ultérieure à notre texte de la Guemara a lu
מאי הוי עלה
comme nous-mêmes l'avons fait: avec étonnement, puisque la justification par la Michnah précède cette question. Il a donc répété avec étonnement la question et répondu:
[מאי הוי עלה?] כדקאמרינן
Quelle est la loi ? Mais comme nous l'avons dit (plus haut).
Puis pour expliquer le sens de la réponse de Rav Idi bar Avin qui ne fait aucune référence au yayin nessekh, il a ajouté
דלמא חומרא דיין נסך שאני
Peut-être que le cas plus sévère du yayin nessekh est différent.
C'est-à-dire que nous ne pouvons pas nous servir du yayin nessekh (et donc de la Michnah citée) comme preuve de la validité du point de vue d'Abaye. Ce qui introduit en effet les propos de Rav Idi bar Avin.
En conclusion, nous voyons ici une sougya relativement courte dont l'histoire fait intervenir au moins trois générations de sages différentes:
- l'époque de Rav Yossef et de sa décision suite au cas qui est rapporté (et celle d'Abaye[1] qui s'oppose à sa décision),
- la justification par Rav Idi bar Avin du point de vue d'Abaye (sans yayin nessekh)[2]
- l'époque de la justification par la Michnah du point de vue antagoniste d'Abaye (avec la vente de vin à un païen)
- la construction stammaïtique des derniers éléments de la sougya qui articulent les deux justifications différentes (Rav Idi bar Avin et la Michnah) entre elles.
mercredi 25 mai 2011
La justification de la loi, de David Weiss Halivni: appel à souscription
La souscription du livre La justification de la loi de David Halivni avant diffusion était ouverte jusqu'au 15 juin 2011. En souscrivant à cet ouvrage avant sa diffusion, vous avez soutenu directement les activités scientifiques et littéraires de qualité de l'institut Wolfowicz (auxquelles vous êtes également invités à participer, y compris en soumettant vos projets) et vous avez bénéficié d'un tarif préférentiel par rapport au prix de mise en vente publique. Un grand merci.
Le livre est à présent disponible à la vente.
Renseignements: contact
lundi 2 mai 2011
היום יום השואה
שתי פרשיות בתורה מזהירות אותנו מפני העלול לקרות כאשר עם ישראל יגדיש את הסאה והקב"ה ינהג בו במידת הדין. אחת בפרשת בחוקותי ואחת בפרשת כי תבא. ... גם על הגרוע ביותר הוזהרנו בהמשך גם כל חלי וכל מכה אשר לא כתוב בספר התורה הזאת יעלם ה' עליך עד השמדך. (דברים כ"ח ס"א) חלילה עלולה לקרות גם השמדה. (ע. 121-122)
מה שמתגלה לנו בסובל הבלתי מדיד הזה, הוא שאין לנו מקום פה... והעובדה לא-נמצא-מקום-פה מגלה מיד את המקום שם: מקומו של בן הברית: הר סיני. (ע. 81-82) (התרגום שלי, מצרפתית)
איך יוצאים מהבנאליות של רוע ? איך מחדשים את המילים ? מאיפה הנחמה ? לשאלות האלא, אינו ניתן לענות בשלומותן. נשמע עכשו שני קולות שונים שמסרבים לתלות את השואה בחטא (בשום הסבר בכלל).
אנו עומדים דוממים לפני תופעת השואה ואין בפינו תשובה. "ואמונתך בלילות"- זהו אחד הניסיונות שמנסה הקב''ה אותנו. למרות הכל, אנחנו ממשיכים לדבוק בקב''ה, בחינת "ברחנו ממך אליך", אבל תשובה, אין !
הוגים מסוימים ורבנים מסוימים מספיקים הסבר ותשובה לכל צרה ואסון. הם יודעים לענות, למשל, למה נהרגו מספר ילדים. פעמים רבות הם תולים זאת בחטאם של אחרים... מוכנות לספק תשובות לעשרה ילדים שנהרגו משמעה סילוק השואה מתודעתנו הדתית. מי שלא סילק את השואה מתודעתו הדתית, לעולם לא יאמר: "יש לי תשובה". (הרב יהודה עמיטל, מתוך משה מיה: "עולם בנוי וחרב ובנוי")
לבי נבהל בקרבי כאשר אני שומע על הקבלות שעושים בין השואה ובין ארועים טרגיים אחרים בהסטוריה. דווקא בקרב המכובדים והמשפיעים ביותר העוסקים בתיאולוגיה של השואה יש כאלה שלא רואים הבדל משמעותי בין השואה ובין מסעי הצלב האיקוויזיציה וגזרות ת"ח ות"ט למעט ההבדל הכמותי עניין של מספר. כנגד אלה עלינו לקרא בקול גדול שלא כך הדבר. (הרב דוד הליבני, מתוך "שבירת הלוחות")
dimanche 24 avril 2011
Fukushima, Hillel and Rabbi Nahman miBreslav: במקום שאין אנשים, השתדל להיות איש
We shall try to be as honest as possible, however uncomfortable that be.
1. On the first page of the IRCP recommendations, you read
‘The primary aim of radiological protection is to provide an appropriate standard of protection for man without unduly limiting the beneficial actions giving rise to radiation exposure. This aim cannot be achieved on the basis of scientific concepts alone. All those concerned with radiological protection have to make value judgements about the relative importance of different kinds of risk and about the balancing of risks and benefits. In this, they are no different from those working in other fields concerned with the control of hazards.’
The primary aim of radiological protection is solely to provide the best standard of protection for man,
be overstated. The law would have had a chance to be different.
This analysis does not assume any given political position. We do not claim that a different law would have prevented the accident. This analysis only assumes a certain type of relation to Law.
The ECRR was formed in 1997 following a resolution made at a conference in
Brussels arranged by the Green Group in the European Parliament. The meeting was called specifically to discuss the details of the Directive Euratom 96/29, now known as the Basic Safety Standards Directive. This Directive has, since May 2000, been EU Law regulating exposure to radiation and to releases to the environment of radioactivity in most countries of the Union. The Euratom Treaty preceded the Treaty of Rome and so once the document had been passed by the Council of Ministers there was no legal requirement for the European Parliament to address it. It was thus cleared without significant amendment although, astonishingly, it contained a statutory framework for the recycling of radioactive waste into consumer goods so long as the concentrations of itemised radionuclides were below certain levels. (2010 Recommendations of the ECRR, page 10)
A king was once informed by his faithful prime minister that there had been a blight on the crops of that year. They had been so affected that anyone who would eat of the grain would become insane. "But," said the minister, "there is no need to worry. I have set aside enough grain from last year's harvest for both of us that will last us until the harvest of the following year." However, the king shook his head. "No," he said, "I shall not avail myself of privileges other than those shared by my subjects." He looked at his prime minister. "We shall all eat of the same grain," he continued. "But this is what we shall do. You and I will mark our foreheads with an indelible imprint, so that when we go insane, I will look at you and you will look at me and we will know."
(picture of a manuscript taken from the great site of the electronic edition of the Pensées de Pascal.)
Which implies that the insanity of man as man ought to be reckoned and acknowledged from the very beginning of Man. Denial of insanity is another turn of insanity. In this sense, there is nothing new under the sun. The Fukushima disaster would just be another level to the insane story of Man.]